Pipette.

 

Où l'on voit une chandelle magique causer bien des ennuis au brave soldat Pipette.

Il était une fois un soldat qui revenait de guerre. Les combats étaient terminés, et il pouvait enfin rentrer chez lui. Il était content, mais il n'avait aucune pièce dans sa poche. Seule, sa pipe était pleine.
Il rencontra une vieille dans une modeste cabane.
- Si tu veux faire fortune, tu vas marcher encore un peu jusqu'à ce que tu trouves un vieux château. Avec cette baguette, tu ouvriras la porte d'entrée. Il y aura trois chambres. Choisis la troisième car elle est remplie d'or. Mais fais bien attention. Dans chaque chambre, il y a des lions, des tigres, des serpents. Touche-les simplement avec la baguette et ils ne te feront pas de mal. Dans la dernière salle, il y aura un homme en fer et lui non plus ne te fera pas de mal.
Pipette se rendit donc au vieux château. Il ouvrit une porte avec sa baguette. Il n'y avait là que des coffres emplis de papier-monnaie et quelques petites pièces. Il les dédaigna.
Derrière une autre porte, il trouva les pièces d'or et aussi l'homme en fer. Celui-ci tenait une chandelle allumée. Pipette remplit trois sacs d'or et prit la chandelle pour sortir et rejoindre la vieille.
- Voilà, dit-il en rendant la baguette avec un sac d'or.
- Malheureux, dit la vieille, je ne t'avais pas dit de prendre la chandelle !
- Elle me servira à allumer ma pipe !
Il quitta la vieille avec ses deux sacs d'or. Il marcha sur le chemin un long moment, puis il décida de se reposer sous un chêne et de fumer sa pipe. Pour l'allumer, il prit la chandelle et aussitôt l'homme en fer apparut.
- Que veux-tu de moi ? dit cet homme.
Pipette fut bien étonné, mais il ne réfléchit pas beaucoup pour lui répondre.
- Je veux que tu me portes dans le plus bel hôtel de Paris.
L'homme en fer le mena immédiatement dans le plus bel hôtel de Paris. Là, il mena la grande vie. Il rencontra des amis particulièrement intéressés par son argent. Il s'habilla comme un vrai monsieur avec un chapeau de feutre et une canne d'argent. Il jouait et buvait dans les cafés.
Quand il eut tout dépensé, il alluma la chandelle. L'homme de fer apparut et demanda :
- Que veux-tu, Pipette ?
- Je veux que tu me portes ici la fille du roi.
L'homme de fer lui porta la fille du roi, plusieurs soirs de suite.
La princesse se plaignit à son père.
- Quand tu seras dans cette chambre, lui dit-il, n'oublie pas de faire une croix sur les volets. J'enverrai ensuite la police se saisir de ce Pipette.
La fille fit la croix sur le volet, mais Pipette s'en aperçut. Avec l'homme de fer, ils firent des croix sur toutes les fenêtres de Paris.
Le lendemain, Pipette demanda à l'homme de fer :
- Je sais que le roi organise une chasse. Il faut que tu m'y mènes...
Pipette se retrouva à la chasse, vêtu de beaux habits neufs, comme un seigneur et il parla si bien au roi que celui-ci fut très impressionné et lui donna sa fille en mariage.
La princesse n'était, bien entendu, pas très satisfaite. Elle trouvait Pipette lourd et sans distinction, avec un drôle d'accent aussi, parfois même, elle ne comprenait pas ce qu'il disait.
Un matin en faisant sa toilette, elle eut du mal à se voir dans un miroir. Elle trouva un morceau de chandelle et aussitôt l'alluma. L'homme de fer apparut.
- Que voulez-vous, Madame ?
- Renvoyez Pipette au milieu de ses bois, en Gascogne. Je ne veux plus le voir.
L'homme de fer emporta Pipette et le jeta dans un bois, non loin de Nérac.
Il y demeura perdu pendant sept longues années. Un jour, il finit par en sortir et se trouva dans un beau jardin plein des plus beaux fruits de la terre. Des nuées d'oiseaux y chantaient jour et nuit.
- Je suis vraiment au paradis, se dit Pipette.
Sur un pommier, il prit la plus belle des pommes et à peine y avait-il mordu que son nez grandit d'au moins cinq centimètres. Un autre coup de dent et son nez augmenta encore. Mort de soif, il prit à un autre arbre une autre pomme et dès qu'il y mordit, son nez reprit sa dimension première. Il se rassasia alternativement des pommes qui allongent le nez et des pommes qui le raccourcissent. Une fois son repas terminé, il remplit soigneusement deux sacs des deux variétés. Il s'en retourna à Paris.
Il arriva au palais du roi le jour où la princesse, sa femme, se remariait. Il s'installa sur le chemin des nouveaux mariés et proposa les pommes du premier sac. Il en demandait tant d'argent que nul ne les acheta. Quand la mariée arriva, il baissa tant le prix qu'elle acheta toutes les pommes.
On les servit au dessert du banquet.
Aussitôt, les nez poussèrent vigoureusement et chacun essaya de se l'arracher. Personne ne le put.
Pipette fit savoir qu'il était chirurgien, particulièrement habile à soigner cette maladie-là.
La princesse l'envoya chercher.
- Madame, dit Pipette en la regardant, vous devez avoir fait une mauvaise action. N'avez-vous pas été mariée ?
- Oui, fit-elle toute honteuse.
Elle lui raconta tout : son ancien mari qu'elle n'aimait pas, l'homme de fer et la chandelle.
- Où donc est cette chandelle ? demanda-t-il.
- Je l'ai fait enfouir. C'était le diable lui-même.
- Si vous voulez guérir, il faut la retrouver.
Quand Pipette eut la chandelle, il lui donna un quartier de l'autre sorte de pomme à manger, et le nez de la princesse redevint normal. Le roi et tous ceux de la noce voulurent également guérir, mais Pipette refusa.
Alors le roi le fit mettre en prison.
Celui qui le gardait était un ancien compagnon de régiment.
- Mon pauvre Pipette, qu'as-tu donc fait ?
Pipette le lui raconta, puis lui demanda de le laisser quelques instants. Il sortit alors la chandelle de sa poche et appela l'homme de fer.
- Que veux-tu de moi ? demanda ce dernier en surgissant dans la prison.
- Je veux que tu ailles prendre le roi et tous ceux de la noce et que tu les emportes au loin. Après, tu les jetteras dans la Garonne.

Ainsi fut fait et ainsi aussi le conte finit.

 

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