La Louve (Croatie)

Il était une fois un moulin hanté... pas un seul meunier ne voulait l'habiter ! La nuit, des bruits sourds et bizarres en sortaient ; on aurait dit des aboiements et des grincements de dents. Le moulin resta ainsi abandonné durant de longues années.
Un jour arriva dans le village un ancien soldat et, comme il avait besoin d'un abri pour dormir, il entra dans le moulin. Il alluma un feu dans le poêle et mangea le pain qu'il avait dans sa poche. Puis il monta au grenier et se coucha dans le foin.
Dès que le clocher de l'église eut fini de sonner minuit, des aboiements et des grattements se firent entendre depuis la salle du bas. Le soldat se réveilla, jeta un coup d'oeil dans la salle par un trou du plancher et vit une grande louve dont la fourrure grise était en flammes et qui courait dans tous les sens. Comme le poêle dégageait une forte chaleur, elle dit tout à coup.
- Peau, tombe sur-le-champ !
Dès qu'elle l'eut dit, la peau tomba et une jeune fille apparut : ses joues étaient roses et ses longs cheveux lui tombaient jusqu'à la taille. Elle se coucha près du poêle et s'endorinit aussitôt. Le vétéran descendit du grenier à pas de loup, saisit la peau de la louve et la cloua dehors, sur la roue du moulin.
Au matin, la jeune fille se réveilla, chercha sa peau et se lamenta :
- Peau, ma peau, reviens à moi !
Mais la peau ne put revenir car le soldat l'avait bien clouée.

- Tu vois, ma belle, il faudra que tu restes avec moi, lui dit le soldat qui était descendu du grenier.
La jeune fille baissa les yeux, puis finit par acquiescer. Le vétéran l'épousa, devint meunier et ils vécurent heureux. Peu de temps après, sa femme lui donna un fils et la vie devint encore plus gaie. Le garçonnet grandissait et, comme il courait partout et était très curieux, il dit un jour à sa mère :
- Regarde, maman, là-haut sur la roue il y a une peau grise !
- J'aimerais bien l'avoir, répondit la jeune femme, mais je ne peux pas aller la chercher. Peux-tu le faire pour moi ?
La roue venait justement de s'arrêter ; aussi le garçon monta dessus, décrocha la peau et la porta à sa mère.
- Peau, ma peau, reviens à moi ! s'écria la jeune femme et, aussitôt, elle se transforma en louve.
« Je peux enfin retourner dans la forêt, se dit-elle, folle de joie. Je ne suis pas faite pour vivre parmi les humains. » Et, avant que le garçon ne pût réaliser ce qui se passait, sa mère disparut derrière les buissons. Quand le meunier rentra à la maison, son fils lui raconta ce qui s'était passé et l'homme s'arracha les cheveux :
- Pourquoi n'ai-je pas été plus prudent !
Il parcourut la forêt de long en large à la recherche de sa femme, mais en vain. À présent, elle devait être déjà loin avec sa meute. Heureusement pour le meunier, elle lui laissait un fils qui égaya sa vie et l'aida plus tard à faire tourner le moulin.


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