La corneille et le lemming



La corneille était restée longtemps sans avoir rien à manger. Elle avait erré tout le jour mais, comme à la suite d'une catastrophe, elle n'avait rencontré âme qui vive. La faim la rendait si faible que c'est à peine si ses ailes la soutenaient. Epuisée, elle se posa sur un rocher.
Vint à passer le loup qui portait un morceau de viande.
« Ami loup, demanda-t-elle, donne-moi un morceau de viande. J'ai une faim horrible et je n'ai rien pu chasser ! »
« A toi ? Jamais, répliqua le loup. Tu ne fais que croasser et tu effarouches le gibier. »
« Un tout petit morceau ! mendia la corneille. Je vais mourir de faim. »
« Eh bien, meurs ! Je serai débarrassé de toi,» dit le loup et il s'en alla.
« Souviens-toi que je l'effaroucherai encore plus, ton gibier ! » lui cria la corneille en décrivant des tours au-dessus de lui.
Elle se posa de nouveau sur le rocher et vit venir le renard qui portait un morceau de viande.
« Ami renard, cria-t-elle, j'ai une faim horrible ! Donne-moi un petit morceau de viande. »
« A toi, répliqua le renard, pour te remercier d'effrayer le gibier ? Il faudrait que je sois devenu fou ! »
« Seulement un tout petit morceau ! supplia la corneille. Je meurs de faim ! »
« Aucune importance ! » rétorqua le renard. Et il s'en fut à ses affaires.
Que vais-je faire ? se demandait la corneille.
Elle était là, en train de réfléchir, quand elle entendit un bruit. En contre-bas, elle vit un lemming sortir de son trou. Dès qu'il se fut un peu éloigné, la corneille sauta de son rocher et se campa devant l'entrée du trou.
« Viens, viens donc, cria la corneille, je voudrais bavarder avec toi. »
« Et de quoi parlerions-nous ? »
« De cela que je vais te manger ! »
Le lemming avait peur et se demandait comment échapper au danger. Il ne pourrait pas fuir bien loin et la corneille lui barrait l'entrée de son repaire. Mais il lui vint une idée.
« Je n'y peux rien, répondit-il, mais remplis mon dernier voeu. »
« Quel voeu ? »
« J'ai entendu dire que tu sais très bien danser. Danse pour moi. »
« Bon !» dit la corneille. Et elle se mit à sautiller et à tourbillonner.
« Ah ! Quelle merveille ! la complimenta le lemming. Encore ! Encore ! »
La corneille tourbillonnait et se trémoussait si bien que le tête lui tourna et qu'elle tomba. Le lemming ne fit ni une ni deux. Comme une flèche, il bondit derrière la corneille et disparut dans son trou.
« Tu danses vraiment à merveille ! se moqua-t-il. Reviens une autre fois ! »
La corneille croassa de colère et s'en alla.


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