Le pêcheur et la baleine



Un pêcheur s'en revenait presque bredouille. C'était un jour de malchance, il n'avait pêché que deux pauvres petites morues. Comme il approchait du rivage, il aperçut sur le sable des bas-fonds un gros rocher qu'il n'avait jamais vu. La mer avait-elle apporté cet énorme rocher sur le rivage ? C'était peu probable, car il n'y avait pas eu de tempête récemment et les flots étaient calmes depuis beaucoup de jours.
Le pêcheur sauta de son kayak pour aller observer ce rocher. Quel ne fut pas son étonnement quand il s'aperçut que ce n'était pas un rocher, mais une baleine qui dormait sur le sable. Comment était-elle arrivée là, se demandait le pêcheur, et il lui fallut un moment pour comprendre que la baleine s'était posée sur les bas-fonds pour se reposer, que la marée était descendue pendant qu'elle dormait et, qu'ainsi, elle s'était trouvée sur le sable sec.
Enfin, la chance me sourit, se dit-il tout joyeux, et une chance inouïe ! Pêcher tout seul une baleine, cela n'est encore jamais arrivé à personne ! Il courut à son kayak pour prendre son harpon et tuer la baleine.
Quand, de retour, il voulut porter à l'animal un coup de harpon, la baleine se réveilla et dit :
« Ne me tue pas, cher pêcheur ! Tu en auras riche récompense. »
Le pêcheur fut pris de peur. Une baleine qui parle, se dit-il, ce n'est pas chose ordinaire ! Et il laissa retomber son harpon.
« Tu ne le regretteras pas, » reprit la baleine.
Le pêcheur s'en retourna vers son kayak, se demandant s'il avait eu raison d'épargner la baleine. Laisser cette montagne de viande et de graisse retourner à la mer... Ne suis-je pas le dernier des naïfs ? Il vaut mieux que je n'en dise rien, on se moquerait de moi !
Sur ce, la marée remonta et la baleine disparut dans les flots.
Quand, le lendemain, le pêcheur revint sur le lieu de son aventure, il ne fut pas tout à fait sûr de ne l'avoir pas rêvée.
Mais, de ce jour, il y eut quelque chose de changé. Quel que fût l'endroit où il s'en allait naviguer, jamais il ne revenait sans poisson. Même quand tous les autres n'avaient pas attrapé le moindre petit poisson, il revenait le kayak plein à ras bords. C'était une chose bien étrange. Il semblait que le kayak fût vivant : il se dirigeait toujours vers les bancs de poissons. Un jour même, alors que le pêcheur ramait pour le diriger vers la droite, il vogua du côté gauche là où il y avait du poisson.
Le pêcheur se rendait bien compte que ce n'était pas le fruit du hasard et que la baleine avait tenu ses promesses. Il garda son secret pour lui. Et toute sa vie, il eut le même bonheur à la pêche.
Et jamais plus, il ne chassa la baleine.


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La petite souris qui avait de trop grands yeux



Une petite souris avait envie de voir le monde. Rien ne lui plaisait plus dans son trou, elle voulait voir ce qui se passait ailleurs. Si bien qu'un beau jour elle prit congé de sa grand-mère et s'en fut.
C'était un beau jour plein de soleil et la petite souris cheminait joyeusement. Elle va, va toujours et, tout à coup, se trouve sur la rive d'un lac.
Quel grand lac ! se dit la souris. Mais il n'est pas si vaste que je ne le traverse.
Elle sauta dans l'eau et nagea vers l'autre rive. Elle s'admirait elle-même de son audace.
Quand elle fut sur la berge, elle se mit à chanter et continua sa route. Trottinant ainsi, elle arriva au pied d'une haute colline.
Quelle colline élevée ! s'étonna la souris. Mais elle n'est pas si haute que je ne la saute !
Elle prit son élan et hop ! La voilà de l'autre côté. Elle se demandait dans son for intérieur d'où lui venait tant de hardiesse !
Elle reprit son souffle et continua joyeusement son chemin. Elle courait en chantant et voilà qu'un ours lui barra la route - un ours gigantesque. Elle eut d'abord un peu peur, mais reprit bien vite ses esprits et cria :
« Ours, ôte-toi de là ! » et le poussa un bon coup !
L'ours grogna et s'enfuit.
La souris sentit son coeur se gonfler d'orgueil à l'idée de son extraordinaire courage. Elle pensa :
J'ai déjà vu une bonne partie du monde. Cela me suffit, je puis retourner à la maison !
« Tu n'es pas restée bien longtemps à parcourir le monde, » lui dit sa grand-mère en l'accueillant.
« Mais quelles aventures j'ai vécues ! Aucune autre souris n'en a connu tant de toute sa vie, » se vanta-t-elle.
« Et que t'est-il donc arrivé de si extraordinaire ? » demanda la grand-mère.
Et la petite souris de raconter :
« Tout d'abord j'ai traversé un lac immense ! »
« N'était-ce point, répondit la grand-mère en riant, une empreinte de renne remplie d'eau ? »
« Puis j'ai sauté par-dessus une haute colline ! »
« Ma petite chérie, cette haute colline n'était-elle pas une crotte de lapin ? »
« Enfin, j'ai rencontré un ours gigantesque et je l'ai vaincu ! »
« Tu es encore petite, mais tu as les yeux qui voient trop grand, dit la grand-mère. Si tu rencontres encore ton ours, tu t'apercevras sans doute que tu as à faire à un moustique ! »


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