Le chapeau magique



Un jour, un chasseur du nom de Keyane, trouva dans un des pièges qu'il avait tendus un magnifique renard argenté. Il avait les deux pattes arrière prises. Le chasseur s'apprêtait à le teur quand il l'entendit lui dire d'une voix humaine :
« Laisse-moi la vie, ami chasseur, et je te récompenserai. »
Quand Keyane fut revenu de sa surprise, il répondit :
« Que pourrais-tu bien me donner ? Ce que je puis tirer de toi de meilleur, c'est bien ta fourrure ! »
« C'est ce que tu penses, chasseur. Mais ce chapeau de bois que voilà te serait mille fois plus utile que ma fourrure. »
Il rampa légèrement et montra ce qu'il tenait dans sa patte : un minuscule chapeau de bois, pointu comme ceux que les pêcheurs portent pour se protéger de la pluie ou du soleil, seulement beaucoup plus petit. « Il est à toi si tu me laisses la vie ! »
A quoi pourrait bien me servir un chapeau, se disait le chasseur, et un chapeau comme ça, ridiculement petit, qui tiendrait dans la paume de la main. Puis il réfléchit que ce renard était un animal assez extraordinaire. Et puis, se dit-il, une fourrure de plus ou de moins, ce n'est pas une affaire ! Il se pencha vers le renard et lui libéra les deux pattes.
« Tu ne regretteras pas ton geste, Keyane, dit l'animal en lui tendant le petit chapeau. Quand tu l'auras sur la tête, rien de mal ne pourra t'arriver. »
Il est si petit que je ne pourrais le porter, voulut dire Keyane, mais à peine l'avait-il posé sur sa tête qu'il s'agrandit jusqu'à la taille convenable. Il lui allait parfaitement. Et quand il l'enleva, il redevint tout petit. Voyons, voyons, se dit-il, cela n'est pas naturel ! et il crut alors vraiment que ce chapeau était magique. Il voulut remercier le renard mais celui-ci avait disparu sans laisser de traces.
Keyane prit le chemin du retour sans fourrures. Il alla vers la rivière pour pêcher au moins quelques poissons. Sur sa route, éclata une terrible tempête de neige. C'était l'enfer qui se déchaînait. Tout à coup, il ne vit plus rien à trois pas devant lui, un vent furieux le jetait à terre et le redressait, jouant avec lui comme avec un flocon de neige si bien qu'il perdit sa direction. Keyane prit peur, craignant de ne pas retrouver son village et de périr au milieu de cette masse de neige glacée.
Il pensa brusquement au petit chapeau de bois du renard. Avec de grandes précautions, pour qu'il n'échappât point à ses mains engourdies, il le posa sur la tête. Miracle ! Non seulement le chapeau lui couvrit la tête mais il crût dans de telles proportions que Keyane put s'y blottir tout entier. Dans le chapeau, il faisait doux et sec comme dans le plus confortable des igloos, si chaud et si doux que le chasseur épuisé s'endormit. Quand il s'éveilla et sortit de son chapeau, il vit que la tempête avait cessé et que le soleil brillait. Le renard n'avait pas menti. Le chapeau pouvait le protéger contre tous les dangers.
Depuis ce jour, Keyane emporta toujours le petit chapeau avec lui où qu'il aille. Un jour, il partit avec son frère à la chasse aux phoques. Ils s'installèrent dans leur kayak et se laissèrent porter par le courant de la rivière jusqu'à la mer. La chance leur sourit et ils assommèrent quelques beaux animaux. Pendant ce temps, le jour s'était obscurci et ils devaient faire diligence pour regagner l'estuaire du fleuve car la mer charriait d'énormes blocs de glace et le danger était grand qu'ils ne leur barrassent le chemin. Le frère, dont le bateau était plus léger, réussit à gagner le rivage à temps. Keyane, lui, transportait une proie plus grosse et son bateau plus chargé était plus lourd et plus lent, et un des blocs flottants lui barra la route.
Son frère, sur le rivage, perdit la tête, il courait çà et là en se tordant les mains et cherchait en vain le moyen d'aider Keyane.
« Lance-moi une lanière ! » lui cria-t-il.
« Quelle lanière ? » répondit le frère. Puis il reprit ses esprits : il se précipita vers le kayak, y prit les lanières que les chasseurs emportent toujours pour remorquer les phoques abattus derrière les canots et les lia ensemble d'un noeud solide. Ses mains tremblaient de froid et de la crainte de voir son frère périr mais il y parvint tout de même. Tenant fermement une des extrémités de la main gauche, il lança l'autre bout de la main droite à Keyane. La lanière tomba dans l'eau avec un sifflement, Keyane s'en saisit et la noua autour de sa poitrine.
« Tire ! » cria-t-il.
Le frère se mit à tirer de toutes ses forces et le kayak de Keyane progressa tout doucement vers la rive. Mais la lanière se prit sous l'un des blocs et le kayak à la dérive s'engagea dessous.
Il faut faire quelque chose, se disait le frère épouvanté. Si je ne réussis pas rapidement à le sortir de là-dessous, il va se noyer ! Il tira de plus belle, il était inondé de sueur, mais tous ses efforts semblaient vains. Il donna quelques secousses à la lanière pour se rendre compte si son frère n'était pas noyé. D'autres secousses lui répondirent. Il est vivant, se dit le frère, bien heureux, et il recommença à tirer sans ménager ses forces. Le temps passait et le kayak était toujours prisonnier quelque part sous la glace. De temps en temps, le frère imprimait quelques secousses à son extrémité et d'identiques secousses venaient en réponse de l'autre côté. Etait-il possible que Keyane fût encore en vie ? Cela lui rendait l'espoir et il tirait de plus belle.
Il lutta ainsi bien longtemps et, à la fin du jour, il réussit à sortir le kayak de l'eau. Et ce qu'il vit alors lui parut incroyable. Keyane était assis dans son bateau, sain et sauf et lui criait :
« Tire vite, mon frère, je suis transi ! »
Que puis-je vous dire ? Si Keyane ne s'était pas noyé, c'était grâce au chapeau de bois. Quand il avait vu le danger imminent, il l'avait coiffé et le chapeau s'était agrandi, lui ménageant un abri et suffisamment d'air pour qu'il pût respirer tout le temps qu'il était resté sous la glace.
Les deux frères envoyèrent une pensée reconnaissante au renard qui avait offert à Keyane une récompense si précieuse.


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Le corbeau et le hibou



Jadis, le corbeau et le hibou vivaient de compagnie. En ce temps-là, on ignorait la gelée, il faisait toujours chaud, aussi les deux oiseaux ne portaient jamais que des vêtements légers. Mais un jour le soleil s'éloigna et il se mit à faire un froid terrible.
« Il faut, dit le corbeau que nous nous cousions de chauds vêtements pour ne pas geler. »
Le corbeau confectionna au hibou un habit noir pointillé de blanc.
Le hibou tailla tout d'abord au corbeau de grosses bottes en fanons de baleine, puis entreprit de lui confectionner un bel habit tout blanc. Tandis qu'il le lui essayait pour s'assurer qu'il tombait bien, le corbeau s'agitait, sautant sans cesse de-ci de-là.
Le hibou le menaça : « Si tu ne te tiens pas tranquille je te renverse la lampe sur la tête. »
Le corbeau n'en tint pas compte et continua son remue-ménage.
Le hibou en avait assez. Il laissa son aiguille, empoigna la lampe et arrosa le corbeau des pieds à la tête avec l'huile de poisson qu'elle contenait. Le corbeau épouvanté, se contentait de crier : cra.. cra... et il s'enfuit.
Depuis ce jour, le corbeau est tout noir. Et, de ce jour aussi, s'en fut fait de l'amitié entre le hibou et le corbeau.


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