Fernand-Loyal et Fernand-Déloyal
Il était une fois un mari et une femme qui
n'avaient jamais eu d'enfant, du temps qu'ils étaient riches,
mais qui eurent un petit garçon quand ils furent tombés dans la
pauvreté. Comme ils ne parvenaient pas à trouver de parrain
dans leur village, à cause de leur grande pauvreté, le mari
déclara qu'il irait ailleurs en chercher un. Il se mit en chemin
et rencontra un pauvre, qui lui demanda où il allait.
- Je m'en vais essayer de trouver un parrain pour baptiser mon
fils, parce que je suis si pauvre que personne ne veut accepter
parmi les gens que je connais !
- Pauvre vous êtes et pauvre je suis, dit l'homme. Je veux bien
être le parrain. Mais je suis trop pauvre pour donner le moindre
cadeau à l'enfant. Rentrez donc et dites à la sage-femme
qu'elle porte l'enfant à l'église.
Lorsqu'ils arrivèrent à l'église pour le baptême, le mendiant
s'y trouvait déjà, à les attendre, et il donna à l'enfant le
nom de Fernand-Loyal. Après la cérémonie, au sortir de
l'église, le mendiant leur dit :
- Rentrez chez vous maintenant. Comme je ne peux rien vous
donner, vous ne devez rien me donner non plus.
Mais la sage-femme s'approcha de lui et lui remit une clef, en
lui disant de la remettre au père, une fois à la maison, pour
qu'il la garde jusqu'au moment que son fils serait âgé de
quatorze ans. Alors, l'enfant devrait aller sur la lande, où il
y aurait un château dont la clef ouvrirait la porte : tout ce
qu'il y aurait à l'intérieur du château serait à lui. Ce fut
ainsi pour le baptême de l'enfant.
Le garçonnet avait grandi et atteint ses sept ans, quand un
jour, s'amusant avec d'autres enfants, il les entendit se vanter
des cadeaux, tous plus beaux les uns que les autres, qu'ils
avaient reçus de leurs parrains. Mais lui, qui n'avait rien eu,
fondit en larmes et revint à la maison, où il dit à son père
:
- Est-ce que je n'ai vraiment rien reçu de mon parrain, moi ?
- Mais si, lui répondit son père, il t'a donné une clef; et
quand il y aura un château sur la lande, tu pourras y entrer
avec ta clef.
L'enfant y courut, mais la lande n'était que la lande et il n'y
vit pas l'ombre du moindre semblant de château. Mais quand il y
retourna sept ans plus tard, âgé alors de quatorze ans, il y
vit bel et bien un château. Sa clef lui en ouvrit la porte et il
le visita sans y rien trouver, sauf un cheval, un jeune cheval
blanc. Fou de joie de posséder un cheval, le jeune garçon le
monta et galopa chez son père.
- A présent que j'ai un cheval blanc, lui dit-il, je veux aussi
voyager !
Rien ne put le retenir, et il partit. En cours de route, il vit,
par terre, une plume d'oie taillée pour écrire; et sa première
idée fut de la ramasser. Mais il se dit : « Bah ! tu peux bien
la laisser où elle est! Où que tu ailles, tu trouveras toujours
une plume pour écrire, si tu en demandes une » Comme il
s'éloignait, voilà qu'une voix lui crie de derrière : «
Fernand-Loyal, emmène-moi avec toi » Il se retourne et ne voit
personne ; alors il revient sur ses pas et descend ramasser la
plume. Un peu plus loin, il lui fallait passer à gué une
rivière, et comme il arrivait au bord, il y avait là un petit
poisson sur le sec, qui ouvrait une large bouche en suffoquant.
« Attends, mon petit poisson, je vais te remettre à l'eau ! »
lui dit-il. Il saute à terre, prend le petit poisson par la
queue, et hop ! il le rejette à l'eau. Le poisson sort sa petite
tête hors de l'eau, pour lui dire :
- Tu m'as secouru dans le besoin, alors moi je vais te donner un
pipeau ; et si jamais tu es dans le besoin, tu n'auras qu'à
souffler dedans et je viendrai à ton secours ; et si jamais il
t'arrivait de perdre quelque chose dans l'eau, souffle dans ton
pipeau et je te rendrai ce que tu auras perdu.
Sa petite flûte en poche, il chevauche plus loin et vit venir à
sa rencontre un jeune gaillard qui engagea la conversation et qui
l'interrogea sur sa destination.
- Oh ! je ne vais qu'au prochain bourg !
L'autre lui demanda alors comment il s'appelait.
- Fernand-Loyal, répondit-il.
- Tiens, fit l'autre, mais alors nous avons presque le même nom
: je me nomme Fernand-Déloyal.
Et ils descendirent tous deux ensemble dans la prochaine auberge.
Le grave, c'était que ce Fernand-Déloyal savait tout ce que
l'autre Fernand pensait et voulait faire, et cela parce qu'il
pratiquait diverses sortes de sorcelleries et autres maléfices.
Or, dans cette auberge, il y avait une jeune servante très
jolie, pure de traits et gracieuse de corps, qui s'était éprise
de Fernand-Loyal : elle l'avait aimé tout de suite, parce qu'il
était fort joli garçon, lui aussi. Elle s'inquiéta donc de
savoir où il comptait aller, et il lui répondit qu'il voulait
seulement voir un peu de pays, sans avoir de but bien précis.
Pourquoi ne resterait-il pas un peu sur place ? lui
demanda-t-elle. Il y aurait sûrement pour lui un emploi à la
cour du roi, qui serait content de l'avoir comme serviteur ou
comme piqueur. Il devrait bien essayer de se faire engager. Sa
réponse fut qu'il ne pouvait guère aller lui-même se
présenter pour offrir ses services.
- Oh ! mais cela, je peux bien le faire ! s'exclama la jeune
fille, qui se rendit immédiatement chez le roi pour lui dire
qu'elle connaissait quelqu'un de très bien, un garçon charmant
qu'il pourrait prendre à son service.
Le roi s'en montra content et le fit venir, lui disant qu'il le
prendrait comme valet ; mais Fernand-Loyal préférait être
piqueur pour ne pas quitter son cheval, et le roi l'engagea comme
piqueur.
Lorsqu'il apprit la chose, Fernand-Déloyal se plaignit à la
servante :
- Alors, tu t'occupes de lui et tu ne fais rien pour moi ?
- Oh ! répondit-elle bien vite, je ferai volontiers la même
chose pour vous !
Mais c'était uniquement pour ne pas l'indisposer contre elle,
car elle pensait : « Celui-là, il vaut mieux se le concilier et
l'avoir comme ami, parce qu'on ne sait jamais ; il ne m'inspire
pas confiance ! » Elle retourna donc le recommander au roi comme
serviteur, et le roi l'engagea comme valet.
Chaque matin, quand le valet venait habiller
maître, Sa Majesté recommençait les mêmes doléances: «Ah!
si je pouvais enfin avoir ma bien-aimée avec moi ! Que
n'est-elle ici, celle que j'aime ! » Et comme Fernand-Déloyal
ne voulait que du mal à l'autre Fernand, un beau matin, après
avoir de nouveau entendu les plaintes du roi, il en profita pour
lui dire : « Mais vous avez un piqueur, Majesté! Vous n'avez
qu'à l'envoyer pour la chercher ; et s'il ne vous la ramène
pas, que sa tête roule à ses pieds ! » Le roi trouva le
conseil judicieux, fit appeler Fernand-Loyal et lui apprit qu'il
y avait, à tel et tel endroit du monde, une princesse qu'il
aimait. « Tu iras l'enlever, sinon tu mourras ! » lui
ordonna-t-il.
Fernand-Loyal gagna l'écurie où était son cheval, et il
pleurait et se lamentait :
- Pauvre de moi ! Malheureux que je suis ! Quel destin !
- Fernand-Loyal, qu'as-tu à pleurer ? fit une voix derrière
lui.
Il se retourne, ne voit personne et se désole plus que jamais :
- Oh ! mon cher cheval blanc, quel malheur ! Il faut que nous
nous séparions maintenant, parce que je vais mourir ! Adieu...
- Fernand-Loyal, pourquoi pleures-tu ? demande à nouveau la
voix.
Et c'est alors seulement qu'il se rend compte que c'est son
cheval blanc, et nul autre que lui, qui lui pose la question.
- Comment ? C'est toi qui disais cela, mon cher petit cheval ? Tu
sais parler ? sexclama-t-il d'abord.
Puis il ajouta :
- Il faut que j'aille là et là, que j'enlève et ramène la
fiancée. Mais comment veux-tu que je fasse cela ?
- Retourne trouver le roi, répondit le cheval blanc, et dis-lui
que s'il veut te donner ce que tu attends de lui, tu lui
ramèneras sa bien-aimée. Mais il te faut un navire entièrement
chargé de viande, et un autre navire entièrement chargé de
pain pour y parvenir ; car tu auras affaire à de terribles
géants sur la mer, et si tu n'as pas de viande à leur donner,
c'est toi qu'ils dévoreront ; et il y aura aussi de féroces
animaux pour t'arracher les yeux à coups de bec, si tu n'as pas
de pain à leur donner.
Le roi mit tous les bouchers du royaume à
l'abattage de la viande et tous les boulangers du royaume à la
cuisson du pain jusqu'au chargement complet de chaque navire.
Quand ils furent prêts, le cheval blanc dit à Fernand-Loyal :
- Maintenant, monte en selle et conduis-moi sur le bateau.
Lorsque arriveront les géants, tu diras :
Mes chers gentils géants, tout doux, tout doux !
J'ai bien pensé à vous
Et j'ai à bord quelque chose pour vous.
Lorsque ensuite viendront les oiseaux, de nouveau tu diras :
Mes chers petits oiseaux, tout doux, tout doux !
J'ai bien pensé à vous
Et j'ai à bord quelque chose pour vous.
>Alors ils ne te feront pas de mal, et même les géants t'aideront lorsque tu parviendras au château. Et quand tu y entreras, tu te feras accompagner par quelques géants, car la princesse y sera couchée et dormira ; toi, tu ne dois pas la réveiller, mais les géants l'emporteront dans son lit pour revenir la déposer sur le bateau.
(Tout se passa exactement comme l'avait dit le
cheval blanc : Fernand donna aux géants et aux oiseaux ce qu'il
avait pour eux, et les géants amadoués lui prêtèrent
main-forte, portèrent la princesse endormie de son château sur
le bateau, et de là jusque devant le roi.) Mais quand elle se
trouva en présence du roi, elle déclara ne pouvoir vivre chez
lui, parce qu'elle avait besoin de ses écrits, restés là-bas
dans son château. Sur l'instigation de Fernand-Déloyal,
Fernand-Loyal dut revenir devant le roi, qui lui signifia de
partir à nouveau à la recherche de ces papiers, sous peine de
mort.
Désespéré, il s'en revint à l'écurie auprès du cheval blanc
: « 0 mon cher petit cheval, voilà qu'il me faut refaire le
voyage à présent ! Comment vais-je y parvenir ? » Le cheval
blanc lui dit qu'on devait de nouveau lui faire le chargement des
navires, et tout alla aussi bien que la première fois, quand les
géants et les oiseaux furent gavés. En approchant du château,
le cheval blanc lui dit qu'il devait entrer et qu'il trouverait
les écrits sur la table, dans la chambre à coucher de la
princesse. Il y alla, les trouva sans difficulté et les emporta.
Mais quand ils furent repartis au large, Fernand-Loyal laissa
échapper sa plume qui tomba à l'eau, et son cheval dut lui
avouer qu'il ne pouvait rien pour lui en pareille occurrence.
Fernand-Loyal tira son pipeau et se mit à en jouer ; alors le
poisson arriva, tenant dans sa gueule la plume d'oie, qu'il lui
restitua. Il put alors rapporter les écrits au château, où le
mariage avait été célébré durant son voyage.
La reine, qui n'aimait pas du tout le roi parce qu'il n'avait pas
de nez, eût bien aimé, par contre, avoir Fernand-Loyal comme
époux ; et un jour, devant tous les seigneurs de la cour, elle
annonça qu'elle connaissait des tours de magie et qu'elle
pouvait, par exemple, décapiter quelqu'un et lui remettre sa
tête en place, comme si de rien n'était. Quelqu'un voulait-il
essayer ? Il lui fallait un volontaire. Mais il n'y eut personne
qui voulût être le premier ; une fois de plus, sur la
suggestion de Fernand-Déloyal, ce fut Fernand-Loyal qui fut
désigné et qui dut se soumettre. La reine lui coupa la tête,
la replaça sur son cou, où elle fut instantanément ressoudée
et guérie, avec seulement une petite marque comme un fil rouge
sur la peau du cou.
- Comment, tu as appris ces choses, mon enfant ? s'étonna le
roi.
- Mais oui, dit la reine, je connais les secrets de cet art.
Veux-tu que je le fasse avec toi ?
- Bien sûr ! dit le roi.
Alors, elle le décapita; mais quand la tête fut tombée, elle
ne la lui remit pas en place et feignit de ne pas pouvoir y
parvenir, comme si c'était la tête qui ne voulait pas se
rattacher et se tenir à sa place. Et quand le roi eut été mis
au tombeau, elle épousa Fernand-Loyal.
Devenu roi, Fernand-Loyal ne voulait pas d'autre monture que son
cher cheval blanc, et un jour qu'il le chevauchait dans la
campagne, le cheval lui dit d'aller dans un certain pré, qu'il
lui indiqua, et d'en faire trois fois le tour au triple galop.
Lorsqu'ils l'eurent fait, le cheval blanc se mit debout sur ses
pattes de derrière et cessa d'être un cheval pour devenir un
fils de roi.
Il était une fois une petite fille
extrêmement têtue et imprudente qui n'écoutait pas ses parents
et qui n'obéissait pas quand ils lui avaient dit quelque chose.
Pensez-vous que cela pouvait bien tourner ?
Un jour, la fillette dit à ses parents : « J'ai tellement
entendu parler de Dame Trude que je veux une fois aller chez elle
: il paraît que c'est fantastique et qu'il y a tant de choses
étranges dans sa maison, alors la curiosité me démange. »
Les parents le lui défendirent rigoureusement et lui dirent : «
Ecoute : Dame Trude est une mauvaise femme qui pratique toutes
sortes de choses méchantes et impies ; si tu y vas, tu ne seras
plus notre enfant ! »
La fillette se moqua de la défense de ses parents et alla quand
même là-bas. Quand elle arriva chez Dame Trude, la vieille lui
demanda :
- Pourquoi es-tu si pâle ?
- Oh ! dit-elle en tremblant de tout son corps, c'est que j'ai eu
si peur de ce que j'ai vu.
- Et qu'est-ce que tu as vu ? demanda la vieille.
- J'ai vu sur votre seuil un homme noir, dit la fillette.
- C'était un charbonnier, dit la vieille.
- Après, j'ai vu un homme vert, dit la fillette.
- Un chasseur dans son uniforme, dit la vieille.
- Après, j'ai vu un homme tout rouge de sang.
- C'était un boucher, dit la vieille.
- Ah ! Dame Trude, dans mon épouvante, j'ai regardé par la
fenêtre chez vous, mais je ne vous ai pas vue : j'ai vu le
Diable en personne avec une tête de feu.
- Oho ! dit la vieille, ainsi tu as vu la sorcière dans toute sa
splendeur ! Et cela, je l'attendais et je le désirais de toi
depuis longtemps : maintenant tu vas me réjouir.
Elle transforma la fillette en une grosse bûche qu'elle jeta au feu, et quand la bûche fut bien prise et en train de flamber, Dame Trude s'assit devant et s'y chauffa délicieusement en disant : « Oh ! le bon feu, comme il flambe bien clair pour une fois ! »
Il y a de cela bien longtemps,
au moins deux mille ans, vivait un homme riche qui avait une
femme de grande beauté, honnête et pieuse ; ils s'aimaient tous
les deux d'un grand amour, mais ils n'avaient pas d'enfant et ils
en désiraient tellement, et la femme priait beaucoup, beaucoup,
nuit et jour pour avoir un enfant ; mais elle n'arrivait pas,
non, elle n'arrivait pas à en avoir.
Devant leur maison s'ouvrait une cour où se dressait un beau
genévrier, et une fois, en hiver, la femme était sous le
genévrier et se pelait une pomme ; son couteau glissa et elle se
coupa le doigt assez profondément pour que le sang fît quelques
taches dans la neige. La femme regarda le sang devant elle, dans
la neige, et soupira très fort en se disant, dans sa tristesse :
« Oh ! si j'avais un enfant, si seulement j'avais un enfant
vermeil comme le sang et blanc comme la neige ! » Dès qu'elle
eut dit ces mots, elle se sentit soudain toute légère et toute
gaie avec le sentiment que son voeu serait réalisé. Elle rentra
dans la maison et un mois passa : la neige disparut ; un
deuxième mois, et tout avait reverdi ; un troisième mois, et la
terre se couvrit de fleurs ; un quatrième mois, et dans la
forêt, les arbres étaient tout épais et leurs branches vertes
s'entrecroisaient sans presque laisser de jour : les oiseaux
chantaient en foule et tout le bois retentissait de leur chant,
les arbres perdaient leurs fleurs qui tombaient sur le sol ; le
cinquième mois passé, elle était un jour sous le genévrier et
cela sentait si bon que son coeur déborda de joie et qu'elle en
tomba à genoux, tant elle se sentait heureuse ; puis le sixième
mois s'écoula, et les fruits se gonflèrent, gros et forts, et
la femme devint toute silencieuse ; le septième mois passé,
elle cueillit les baies du genévrier et les mangea toutes avec
avidité, et elle devint triste et malade ; au bout du huitième
mois, elle appela son mari et lui dit en pleurant : « Quand je
mourrai, enterre-moi sous le genévrier. » Elle en éprouva une
immense consolation, se sentit à nouveau pleine de confiance et
heureuse jusqu'à la fin du neuvième mois. Alors elle mit au
monde un garçon blanc comme la neige et vermeil comme le sang,
et lorsqu'elle le vit, elle en fut tellement heureuse qu'elle en
mourut.
Son mari l'enterra alors sous le genévrier et la pleura tant et
tant : il ne faisait que la pleurer tout le temps. Mais un jour
vint qu'il commença à la pleurer moins fort et moins souvent,
puis il ne la pleura plus que quelquefois de temps à autre ;
puis il cessa de la pleurer tout à fait. Un peu de temps passa
encore, maintenant qu'il ne la pleurait plus, et ensuite il prit
une autre femme.
De cette seconde épouse, il eut une fille ; et c'était un
garçon qu'il avait de sa première femme : un garçon vermeil
comme le sang et blanc comme la neige. La mère, chaque fois
qu'elle regardait sa fille, l'aimait beaucoup, beaucoup ; mais si
elle regardait le petit garçon, cela lui écorchait le coeur de
le voir ; il lui semblait qu'il empêchait tout, qu'il était
toujours là en travers, qu'elle l'avait dans les jambes
continuellement ; et elle se demandait comment faire pour que
toute la fortune revînt à sa fille, elle y réfléchissait,
poussée par le Malin, et elle se prit à détester le petit
garçon qu'elle n'arrêtait pas de chasser d'un coin à l'autre,
le frappant ici, le pinçant là, le maltraitant sans cesse, de
telle sorte que le pauvre petit ne vivait plus que dans la
crainte. Quand il revenait de l'école, il n'avait plus un
instant de tranquillité.
Un jour, la femme était dans
la chambre du haut et la petite fille monta la rejoindre en lui
disant :
- Mère, donne-moi une pomme !
- Oui, mon enfant ! lui dit sa mère, en lui choisissant dans le
bahut la plus belle pomme qu'elle put trouver. Ce bahut, où l'on
mettait les pommes, avait un couvercle épais et pesant muni
d'une serrure tranchante, en fer.
- Mère, dit la petite fille, est-ce que mon frère n'en aura pas
une aussi ?
La femme en fut agacée, mais elle répondit quand même :
- Bien sûr, quand il rentrera de l'école.
Mais quand elle le vit qui revenait, en regardant par la
fenêtre, ce fut vraiment comme si le Malin l'avait possédée :
elle reprit la pomme qu'elle avait donnée à sa fille, en lui
disant : « Tu ne dois pas l'avoir avant ton frère. » Et elle
la remit dans le bahut, dont elle referma le pesant couvercle.
Et lorsque le petit garçon fut arrivé en haut, le Malin lui
inspira son accueil aimable et ses paroles gentilles : « Veux-tu
une pomme, mon fils ? » Mais ses regards démentaient ses
paroles car elle fixait sur lui des yeux féroces, si féroces
que le petit garçon lui dit :
- Mère, tu as l'air si terrible : tu me fais peur. Oui, je
voudrais bien une pomme.
Sentant qu'il lui fallait insister, elle lui dit :
- Viens avec moi ! et, l'amenant devant le gros bahut, elle
ouvrit le pesant couvercle et lui dit : Tiens! prends toi-même
la pomme que tu voudras !
Le petit garçon se pencha pour prendre la pomme, et alors le
Diable la poussa et boum ! elle rabattit le lourd couvercle avec
une telle force que la tête de l'enfant fut coupée et roula au
milieu des pommes rouges.
Alors elle fut prise de terreur (mais alors seulement) et pensa :
« Ah ! si je pouvais éloigner de moi ce que j'ai fait ! » Elle
courut dans une autre pièce, ouvrit une commode pour y prendre
un foulard blanc, puis elle revint au coffre, replaça la tête
sur son cou, la serra dans le foulard pour qu'on ne puisse rien
voir et assit le garçon sur une chaise, devant la porte, avec
une pomme dans la main.
La petite Marlène, sa fille, vint la retrouver dans la cuisine
et lui dit, tout en tournant une cuillère dans une casserole
qu'elle tenait sur le feu :
- Oh ! mère, mon frère est assis devant la porte et il est tout
blanc ; il tient une pomme dans sa main, et quand je lui ai
demandé s'il voulait me la donner, il ne m'a pas répondu. J'ai
peur !
- Retournes-y, dit la mère, et s'il ne te répond pas,
flanque-lui une bonne claque !
La petite Marlène courut à la porte et demanda : « Frère,
donne-moi la pomme, tu veux ? » Mais il resta muet et elle lui
donna une gifle bien sentie, en y mettant toutes ses petites
forces. La tête roula par terre et la fillette eut tellement
peur qu'elle se mit à hurler en pleurant, et elle courut, toute
terrifiée, vers sa mère :
- Oh ! mère, j'ai arraché la tête de mon frère !
Elle sanglotait, sanglotait à n'en plus finir, la pauvre petite
Marlène. Elle en était inconsolable.
- Marlène, ma petite fille, qu'as-tu fait ? dit la mère. Quel
malheur ! Mais à présent tiens-toi tranquille et ne dis rien,
que personne ne le sache, puisqu'il est trop tard pour y changer
quelque chose et qu'on n'y peut rien. Nous allons le faire cuire
en ragoût, à la sauce brune.
La mère alla chercher le corps du garçonnet et le coupa en
menus morceaux pour le mettre à la sauce brune et le faire cuire
en ragoût. Mais la petite Marlène ne voulait pas s'éloigner et
pleurait, pleurait et pleurait, et ses larmes tombaient dans la
marmite, tellement qu'il ne fallut pas y mettre de sel.
Le père rentra à la maison pour manger, se mit à table et
demanda : « Où est mon fils ? » La mère vint poser sur la
table une pleine marmite de ragoût à la sauce brune et petite
Marlène pleurait sans pouvoir s'en empêcher. Une seconde fois,
le père demanda « Mais où est donc mon fils ?
- Oh ! dit la mère, il est allé à la campagne chez sa
grand-tante ; il y restera quelques jours.
- Mais que va-t-il faire là-bas ? demanda le père et il est
parti sans seulement me dire au revoir !
- Il avait tellement envie d'y aller, répondit la femme ; il m'a
demandé s'il pouvait y rester six semaines et je le lui ai
permis. Il sera bien là-bas.
- Je me sens tout attristé, dit le père ; ce n'est pas bien
qu'il soit parti sans rien me dire. Il aurait pu quand même me
dire adieu ! »
Tout en parlant de la sorte, le père s'était mis à manger ;
mais il se tourna vers l'enfant qui pleurait et lui demanda :
- Marlène, mon petit, pourquoi pleures-tu ? Ton frère va
revenir bientôt. Puis il se tourna vers sa femme : « 0 femme,
lui dit-il, quel bon plat tu as fait là ! Sers-m'en encore. »
Elle le resservit, mais plus il en mangeait, et plus il en
voulait.
- Donne-m'en, donne-m'en plus, je ne veux en laisser pour
personne : il me semble que tout est à moi et doit me revenir.
Et il mangea, mangea jusqu'à ce qu'il ne restât plus rien,
suçant tous les petits os, qu'il jetait à mesure sous la table.
Mais la petite Marlène se leva et alla chercher dans le tiroir
du bas de sa commode le plus joli foulard qu'elle avait, un beau
foulard de soie, puis, quand son père eut quitté la table, elle
revint ramasser tous les os et les osselets, qu'elle noua dans
son foulard de soie pour les emporter dehors en pleurant à gros
sanglots. Elle alla et déposa son petit fardeau dans le gazon,
sous le genévrier ; et quand elle l'eut mis là, soudain son
coeur se sentit tout léger et elle ne pleura plus. Le genévrier
se mit à bouger, écartant ses branches et les resserrant
ensemble, puis les ouvrant de nouveau et les refermant comme
quelqu'un qui manifeste sa joie à grands gestes des mains. Puis
il y eut soudain comme un brouillard qui descendit de l'arbre
jusqu'au sol, et au milieu de ce brouillard c'était comme du
feu, et de ce feu sortit un oiseau splendide qui s'envola très
haut dans les airs en chantant merveilleusement. Lorsque l'oiseau
eut disparu dans le ciel, le genévrier redevint comme avant,
mais le foulard avec les ossements n'était plus là. La petite
Marlène se sentit alors toute légère et heureuse, comme si son
frère était vivant ; alors elle rentra toute joyeuse à la
maison, se mit à table et mangea.
L'oiseau qui s'était envolé si haut redescendit se poser sur la
maison d'un orfèvre, et là il se mit à chanter :
Ma mère m'a tué ;
Mon père m'a mangé ;
Ma soeurette Marlène
A pris bien de la peine
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu'elle a porté sous le genévrier.
Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis !
L'orfèvre était à son
travail, dans son atelier, occupé à fabriquer une chaînette
d'or ; mais lorsqu'il entendit l'oiseau qui chantait sur son
toit, cela lui parut si beau, si beau qu'il se leva
précipitamment, perdit une pantoufle sur son seuil et courut
ainsi jusqu'au milieu de la rue, un pied chaussé, l'autre en
chaussette, son grand tablier devant lui, tenant encore dans sa
main droite ses pinces à sertir, et dans la gauche la chaînette
d'or ; et le soleil brillait clair dans la rue. Alors il resta
là et regarda le bel oiseau auquel il dit :
- Oiseau, que tu sais bien chanter ! Comme c'est beau !
Chante-le-moi encore une fois, ton morceau!
- Non, dit l'oiseau, je ne chante pas deux fois pour rien.
Donne-moi la chaînette d'or, et je le chanterai encore.
- Tiens, prends la chaînette d'or, elle est à toi, dit
l'orfèvre, et maintenant chante-moi encore une fois ton beau
chant.
L'oiseau vint prendre la chaînette d'or avec sa patte droite, se
mit en face de l'orfèvre et chanta :
Ma mère m'a tué ;
Mon père m'a mangé ;
Ma soeurette Marlène
A pris bien de la peine
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu'elle a porté sous le genévrier.
Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis !
Et aussitôt il s'envola pour aller se poser sur le toit de la maison d'un cordonnier, où il chanta :
Ma mère m'a tué ;
Mon père m'a mangé ;
Ma soeurette Marlène
A pris bien de la peine
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu'elle a porté sous le genévrier.
Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis !
Le cordonnier entendit ce chant
et courut en bras de chemise devant sa porte pour regarder sur
son toit, et il dut mettre la main devant ses yeux pour ne pas
être aveuglé par le soleil qui brillait si fort.
- Oiseau, lui dit-il, comme tu sais bien chanter !
Il repassa sa porte et rentra chez lui pour appeler sa femme. «
Femme, lui cria-t-il, viens voir un peu dehors : il y a un
oiseau, regarde-le, cet oiseau qui sait si bien chanter ! » Il
appela aussi sa fille et les autres enfants, et encore ses commis
et la servante et le valet, qui vinrent tous dans la rue et
regardèrent le bel oiseau qui chantait si bien et qui était si
beau, avec des plumes rouges et vertes, et du jaune autour de son
cou : on aurait dit de l'or pur ; et ses yeux scintillants on
aurait dit qu'il avait deux étoiles dans sa tête !
- Oiseau, dit le cordonnier, maintenant chante encore une fois
ton morceau.
- Non, dit l'oiseau, je ne chante pas deux fois pour rien ; il
faut que tu me fasses un cadeau.
- Femme, dit le cordonnier, monte au grenier : sur l'étagère la
plus haute, il y a une paire de chaussures rouges ;
apporte-les-moi.
La femme monta et rapporta les chaussures.
- Tiens, c'est pour toi, l'oiseau ! dit le cordonnier. Et
maintenant chante encore une fois.
L'oiseau descendit et prit les chaussures avec sa patte gauche,
puis il se renvola sur le toit où il chanta :
Ma mère m'a tué ;
Mon père m'a mangé ;
Ma soeurette Marlène
A pris bien de la peine
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu'elle a porté sous le genévrier.
Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis !
Et quand il eut chanté, il s'envola, serrant la chaîne d'or dans sa patte droite et les souliers dans sa gauche, et il vola loin, loin, jusqu'à un moulin qui tournait, tac-tac, tac-tac, tac-tac, tac-tac ; et devant la porte du moulin il y avait vingt garçons meuniers qui piquaient une meule au marteau, hic-hac, hic-hac, hic-hac, pendant que tournait le moulin, tac-tac, tac-tac, tac-tac. Alors l'oiseau alla se percher dans un tilleul et commença à chanter :
Ma mère m'a tué.
Un premier s'arrêta et écouta :
Mon père m'a mangé.
Deux autres s'arrêtèrent et écoutèrent :
Ma soeurette Marlène
A pris bien de la peine.
Quatre autres s'arrêtèrent à leur tour :
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie.
A présent, ils n'étaient plus que huit à frapper encore :
Qu'elle a porté
Cinq seulement frappaient encore :
sous le genévrier.
Il n'en restait plus qu'un qui frappait du marteau :
Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis !
Le dernier, à son tour, s'est
aussi arrêté et il a même encore entendu la fin.
- Oiseau, dit-il, ce que tu chantes bien ! Fais-moi entendre
encore une fois ce que tu as chanté, je n'ai pas entendu.
- Non, dit l'oiseau, je ne chante pas deux fois pour rien.
Donne-moi la meule et je chanterai encore une fois.
- Tu l'aurais, bien sûr, si elle était à moi tout seul,
répondit le garçon meunier.
- S'il chante encore une fois, approuvèrent tous les autres, il
est juste qu'il l'ait, et il n'a qu'à la prendre.
L'oiseau descendit de l'arbre et les vingt garçons meuniers,
avec des leviers, soulevèrent la lourde meule, ho-hop ! ho-hop !
ho-hop ! ho-hop ! Et l'oiseau passa son cou par le trou du
centre, prenant la meule comme un collier avec lequel il s'envola
de nouveau sur son arbre pour chanter :
Ma mère m'a tué ;
Mon père m'a mangé ;
Ma soeurette Marlène
A pris bien de la peine
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu'elle a porté sous le genévrier.
Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis !
Dès qu'il eut fini, il
déploya ses ailes et s'envola, et il avait la chaînette d'or
dans sa serre droite, et la paire de souliers dans sa serre
gauche, et la meule était autour de son cou. Et il vola ainsi
loin, très loin, jusqu'à la maison de son père.
Le père, la mère et petite Marlène sont là, assis à table.
Et le père dit :
- C'est drôle comme je me sens bien, tout rempli de lumière !
- Oh ! pas moi, dit la mère, je me sens accablée comme s'il
allait éclater un gros orage.
Petite Marlène est sur sa chaise, qui pleure et qui pleure sans
rien dire. L'oiseau donne ses derniers coups d'ailes, et quand il
se pose sur le toit de la maison, le père dit :
- Ah ! je me sens vraiment tout joyeux et le soleil est si beau :
il me semble que je vais revoir une vieille connaissance.
- Oh ! pas moi, dit la mère, je me sens oppressée et tout
apeurée, j'ai les dents qui claquent, et dans mes veines on
dirait qu'il y a du feu !
Elle se sent si mal qu'elle déchire son corsage pour essayer de
respirer et se donner de l'air. Et la petite Marlène, dans son
coin, est là qui pleure, qui pleure, et qui se tient son tablier
devant les yeux ; et elle pleure tellement qu'elle a
complètement mouillé son assiette. L'oiseau est venu se percher
sur le genévrier ; il se met à chanter :
Ma mère m'a tué.
Alors la mère se bouche les oreilles et ferme les yeux pour ne rien voir ni entendre ; mais ses oreilles bourdonnent et elle entend comme un terrible tonnerre dedans, ses yeux la brûlent et elle voit comme des éclairs dedans.
Mon père m'a mangé.
- Oh ! mère, dit le père, dehors il y a un splendide oiseau qui chante merveilleusement, le soleil brille et chauffe magnifiquement, on respire un parfum qui ressemble à de la cannelle.
Ma soeurette Marlène
A pris bien de la peine.
La petite Marlène cache sa tête dans ses genoux et pleure de plus en plus.
- Je sors, dit le père, il faut que je voie cet oiseau de tout près.
- Oh non, n'y va pas ! proteste la mère. Il me semble que toute
la maison tremble sur sa base et qu'elle s'effondre dans les flammes !
L'homme alla dehors néanmoins et regarda l'oiseau.
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie
Qu'elle a porté sous le genévrier.
Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis !
Aux dernières notes, l'oiseau
laissa tomber adroitement la chaîne d'or qui vint juste se
mettre autour du cou de l'homme, exactement comme un collier qui
lui allait très bien.
- Regardez ! dit l'homme en rentrant, voilà le cadeau que le bel
oiseau m'a fait : cette magnifique chaîne d'or. Et voyez comme
il est beau !
Mais la femme, dans son angoisse, s'écroula de tout son long
dans la pièce et son bonnet lui tomba de la tête. L'oiseau, de
nouveau, chantait :
Ma mère m'a tué.
- Ah ! s'écria la femme, si je pouvais être à mille pieds sous terre pour ne pas entendre cela !
Mon père m'a mangé.
La femme retomba sur le dos, blanche comme une morte.
Ma soeurette Marlène
chantait l'oiseau, et la petite Marlène s'exclama : « Je vais sortir aussi et voir quel cadeau l'oiseau me fera!» Elle se leva et sortit.
A pris bien de la peine
Pour recueillir mes os jetés
Dessous la table, et les nouer
Dans son foulard de soie.
Avec ces mots, l'oiseau lui lança les souliers.
Qu'elle a porté sous le genévrier.
Kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis !
La petite Marlène sentit que
tout devenait lumineux et gai pour elle ; elle enfila les
souliers rouges et neufs et se mit à danser et à sauter,
tellement elle s'y trouvait bien, rentrant toute heureuse dans la
maison.
- Oh ! dit-elle, moi qui me sentais si triste quand je suis venue
dehors, et à présent tout est si clair ! C'est vraiment un
merveilleux oiseau que celui-là, et il m'a fait cadeau de
souliers rouges !
- Que non ! que non ! dit la femme en revenant à elle et en se
relevant, et ses cheveux se dressaient sur sa tête comme des
langues de feu. Pour moi, c'est comme si le monde entier
s'anéantissait : il faut que je sorte aussi, peut-être que je
me sentirai moins mal dehors !
Mais aussitôt qu'elle eut franchi la porte, badaboum ! l'oiseau laissa tomber la meule sur sa tête et la lui mit en bouillie. Le père et petite Marlène entendirent le fracas et sortirent pour voir. Mais que virent-ils ? De cet endroit s'élevait une vapeur qui s'enflamma et brûla en montant comme un jet de flammes, et quand ce fut parti, le petit frère était là, qui les prit tous les deux par la main. Et tous trois, pleins de joie, rentrèrent dans la maison, se mirent à table et mangèrent.