La couturière.
Certaine
soeur, dans un Couvent,
Avoit certain amant en ville,
Qu'elle ne voyoit pas souvent
La chose, comme on sait, est assez difficile.
Tous deux eussent voulu qu'elle l'eût été moins ;
Tous deux, à s'entrevoir, apportoient tous leurs soins.
Notre soeur en trouva le secret la première :
Nonnettes, en ceci, manquent peu de talent.
Elle introduisit le galant,
Sous le titre de couturière,
Sous le titre et l'habit aussi.
Le tour ayant bien réussit,
Sans causer le moindre scrupule,
Nos amants eurent soin de fermer la cellule,
Et passèrent le jour assez tranquillement
A coudre, mais Dieu sait comment.
La nuit vint ; c'étoit grand dommage,
Quand on a le coeur à l'ouvrage.
Il fallut le quitter : « Adieu, ma soeur, bonsoir !
- Couturière, jusqu'au revoir ! »
Et ma soeur fut au réfectoire,
Un peu tard, et c'est là le fâcheux de l'histoire.
L'abbesse l'aperçut, et lui dit en courroux :
« Pourquoi donc venir la dernière ?
- Madame, dit la soeur, j'avois la couturière.
- Vos guimpes ont donc bien des trous,
Pour la tenir une journée entière ?
Quelle besogne avez-vous tant chez vous
Où jusqu'au soir elle soit nécessaire ?
- Elle en avoit encor, dit-elle, pour veiller ;
Au métier quelle a fait, on a beau travailler,
On y trouve toujours faire. »