Le schilling d'argent
I
Il y avait une fois un schilling. Lorsqu'il sortit de
la Monnaie, il était d'une blancheur éblouissante; il sauta,
tinta: « Hourrah! dit-il, me voilà parti pour le vaste monde!
» Et il devait, en effet, parcourir bien des pays.
Il passa dans les mains de diverses personnes. L'enfant le tenait
ferme avec ses menottes chaudes. L'avare le serrait
convulsivement dans ses mains froides. Les vieux le tournaient,
le retournaient, Dieu sait combien de fois, avant de le lâcher.
Les jeunes gens le faisaient rouler avec insouciance.
Notre schilling était d'argent de bon aloi, presque sans
alliage. Il y avait déjà un an qu'il trottait par le monde,
sans avoir quitté encore le pays où on l'avait monnayé. Un
jour enfin il partit en voyage pour l'étranger. Son possesseur
l'emportait par mégarde. Il avait résolu de ne prendre dans sa
bourse que de la monnaie du pays où il se rendait. Aussi fut-il
surpris de retrouver, au moment du départ, ce schilling égaré.
«Ma foi, gardons-le, se dit-il, là-bas il me rappellera le
pays!» Il laissa donc retomber au fond de la bourse le
schilling, qui bondit et résonna joyeusement.
Le voilà donc parmi une quantité de camarades étrangers qui ne
faisaient qu'aller et venir. Il en arrivait toujours de nouveaux
avec des effigies nouvelles, et ils ne restaient guère en place.
Notre schilling, au contraire, ne bougeait pas. On tenait donc à
lui: c'était une honorable distinction.
Plusieurs semaines s'étaient écoulées: le schilling avait fait
déjà bien du chemin à travers le monde, mais il ne savait pas
du tout où il se trouvait. Les pièces de monnaie qui
survenaient lui disaient les unes qu'elles étaient françaises,
les autres qu'elles étaient italiennes. Telle qui entrait lui
apprit qu'on arrivait en telle ville; telle autre qu'on arrivait
dans telle autre ville. Mais c'était insuffisant pour se faire
une idée du beau voyage qu'il faisait. Au fond du sac on ne voit
rien, et c'était le cas de notre schilling.
Il s'avisa un jour que la bourse n'était pas fermée. Il glissa
vers l'ouverture pour tâcher d'apercevoir quelque chose. Mal lui
prit d'être trop curieux. Il tomba dans la poche du pantalon;
quand le soir son maître se déshabilla, il en retira sa bourse,
mais y laissa le schilling. Le pantalon fut mis dans
l'antichambre, avec les autres habits, pour être brossé par le
garçon d'hôtel. Le schilling s'échappa de la poche et roula
par terre; personne ne l'entendit, personne ne le vit.
Le lendemain, les habits furent rapportés dans la chambre. Le
voyageur les revêtit, quitta la ville, laissant là le schilling
perdu. Quelqu'un le trouva et le mit dans son gousset, pensant
bien s'en servir.
« Enfin, dit le schilling, je vais donc circuler de nouveau et
voir d'autres hommes, d'autres moeurs et d'autres usages que ceux
de mon pays! »
Lorsqu'il fut sur le point de passer en de nouvelles mains, il
entendit ces mots: «Qu'est-ce que cette pièce? Je ne connais
pas cette monnaie. C'est probablement une pièce fausse; je n'en
veux pas: elle ne vaut rien. »
C'est en ce moment que commencent en réalité les aventures du
schilling, et voici comme il racontait plus tard à ses camarades
les traverses qu'il avait essuyées.
II
« Elle est fausse, elle ne vaut rien ! » A ces mots,
disait le schilling, je vibrai d'indignation. Ne savais-je pas
bien que j'étais de bon argent, que je sonnais bien et que mon
empreinte était loyale et authentique? Ces gens se trompent, pensais-je;
ou plutôt ce n'est pas de moi qu'ils parlent. Mais non, c'était
bien de moi-même qu'il s'agissait, c'était bien moi qu'ils
accusaient d'être une pièce fausse!
« Je la passerai ce soir à la faveur de l'obscurité, » se dit
l'homme qui m'avait ramassé.
« C'est ce qu'il fit en effet; le soir on m'accepta sans mot
dire. Mais le lendemain on recommença à m'injurier de plus
belle: «Mauvaise pièce, disait-on, tâchons de nous en
débarrasser. »
« Je tremblais entre les doigts des gens qui cherchaient à me
glisser furtivement à autrui. «Malheureux que je suis!
m'écriais-je. A quoi me sert-il d'être si pur de tout alliage,
d'avoir été si nettement frappé! On n'est donc pas estimé,
dans le monde, à sa juste valeur, mais d'après l'opinion qu'on
se forme de vous. Ce doit être bien affreux d'avoir la
conscience chargée de fautes, puisque, même innocent, on
souffre à ce point d'avoir seulement l'air coupable!
« Chaque fois qu'on me produisait à la lumière pour me mettre
en circulation, je frémissais de crainte. Je m'attendais à
être examiné, scruté, pesé, jeté sur la table, dédaigné et
injurié comme l'oeuvre du mensonge et de la fraude.
« J'arrivai ainsi entre les mains d'une pauvre vieille femme.
Elle m'avait reçu pour salaire d'une rude journée de travail.
Impossible de tirer parti de moi! Personne ne voulait me
recevoir. C'était une perte sérieuse pour la pauvre vieille.
« Me voilà donc réduite, se dit-elle, à tromper quelqu'un en
lui faisant accepter cette pièce fausse. C'est bien contre mon
gré, mais je ne possède rien et je ne puis me permettre le luxe
de conserver un mauvais schilling. Ma foi, je vais le donner au
boulanger qui est si riche: cela lui fera moins de tort qu'à n'importe
qui. C'est mal néanmoins ce que je fais. »
« Faut-il que j'aie encore le malheur de peser sur la conscience
de cette brave femme! me dis-je en soupirant. Ah! qui aurait
supposé, en me voyant si brillant dans mon jeune temps, qu'un
jour je descendrais si bas?»
« La vieille femme entra chez l'opulent boulanger; celui-ci
connaissait trop bien les pièces ayant cours pour se laisser
prendre: il me jeta à la figure de la pauvre vieille, qui s'en
alla honteuse et sans pain. C'était pour moi le comble de
lhumiliation ! J'étais désolé et navré, comme peut
l'être un schilling méprisé, dont personne ne veut.
« La bonne femme me reprit pourtant, et, de retour chez elle,
elle me regarda de son regard bienveillant: « Non, dit-elle , je
ne veux plus chercher à attraper personne; je vais te trouer
pour que chacun voie bien que tu es une pièce fausse. Mais
l'idée m'en vient tout à coup: qui sait? Ne serais-tu pas une
de ces pièces de monnaie qui portent bonheur? J'en ai comme un
pressentiment. Oui, c'est cela, je vais te percer au milieu, et
passer un ruban par le trou; je t'attacherai au cou de la petite
fille de la voisine et tu lui porteras bonheur. »
« Elle me transperça comme elle l'avait dit, et ce ne fut pas
pour moi une sensation agréable. Toutefois, de ceux dont
l'intention est bonne on supporte bien des choses. Elle passa le
ruban par le trou: me voilà transformé en une sorte de
médaillon, et l'on me suspend au cou de la petite qui, toute
joyeuse, me sourit et me baise. Je passai la nuit sur le sein
innocent de l'enfant.
« Le matin venu, sa mère me prit entre les doigts,
me regarda bien. Elle avait son idée sur moi, je le devinai
aussitôt. Elle prit des ciseaux et coupa le ruban.
« Ah ! tu es un schilling qui porte bonheur ! dit-elle. C'est ce
que nous verrons.»
« Elle me plongea dans du vinaigre. Oh, le bain pénible que je
subis ! J'en devins verdâtre. Elle mit ensuite du mastic dans le
trou, et, sur le crépuscule, alla chez le receveur de la loterie
afin d'y prendre un billet. Je m'attendais à un nouvel affront.
On allait me rejeter avec dédain, et cela devant une quantité
de pièces fières de leur éclat. J'échappai à cet affront. Il
y avait beaucoup de monde chez le receveur; il ne savait qui
entendre; il me lança parmi les autres pièces, et, comme je
rendis un bon son d'argent, tout fut dit. J'ignore si le billet
de la voisine sortit au premier tirage, mais ce que je sais bien,
c'est que, le lendemain, je fus reconnu de nouveau pour une
mauvaise pièce et mis à part pour être passé en fraude.
« Mes misérables pérégrinations recommencèrent. Je roulai de
main en main, de maison en maison, insulté, mal vu de tout le
monde. Personne n'avait confiance en moi, et je finis par douter
de ma propre valeur. Dieu, quel affreux temps ce fut là! »
« Arrive un voyageur étranger. On s'empresse naturellement de
lui passer la mauvaise pièce, qu'il prend sans la regarder. Mais
quand il veut me donner à son tour, chacun se récrie: «Elle
est fausse, elle ne vaut rien!» Voilà les affligeantes paroles
que je fus condamné pour la centième fois à entendre.
« On me l'a pourtant donnée pour bonne», dit l'étranger en me
considérant avec attention. Un sourire s'épanouit tout à coup
sur ses lèvres. C'était extraordinaire; toute autre était
l'impression que je produisais habituellement sur ceux qui me
regardaient. «Tiens! s'écria-t-il, c'est une pièce de mon
pays, un brave et honnête schilling. On l'a troué; on l'a
traité comme une pièce fausse. Je vais le garder et je le
rémporterai chez nous. »
« Je fus, à ces mots, pénétré de la joie la plus vive.
Depuis longtemps je n'étais plus accoutumé à recevoir des
marques d'estime. On m'appelait un brave et honnête schilling,
et bientôt je retournerais dans mon pays, où tout le monde me
ferait fête comme autrefois. Je crois que, dans mon transport,
j'aurais lancé des étincelles si ma substance l'avait permis.
« Je fus enveloppé dans du beau papier de soie, afin de ne plus
être confondu avec les autres monnaies; et lorsque mon
possesseur rencontrait des compatriotes, il me montrait à eux;
tous disaient du bien de moi, et l'on prétendait même que mon
histoire était intéressante.
« Enfin j'arrivai dans ma patrie. Toutes mes peines furent
finies, et je repris un nouveau plaisir à l'existence. Je
néprouvais plus de contrariétés; je ne subissais plus
d'affronts. J'avais l'apparence d'une pièce fausse à cause du
trou dont j'étais percé; mais cela n'y faisait rien; on
s'assurait tout de suite que j'étais de bon aloi et l'on me
recevait partout avec plaisir.
« Ceci prouve qu'avec la patience et le temps, on finit toujours
par être apprécié à sa véritable valeur.
« C'est vraiment ma conviction », dit le schilling en terminant
son récit.
Devant un riche château seigneurial s'étendait un
beau jardin, bien tenu, planté d'arbres et de fleurs rares. Les
personnes qui venaient rendre visite au propriétaire exprimaient
leur admiration pour ces arbustes apportés des pays lointains
pour ces parterres disposés avec tant d'art; et l'on voyait
aisément que ces compliments n'étaient pas de leur part de
simples formules de politesse. Les gens d'alentour, habitants des
bourgs et des villages voisins venaient le dimanche demander la
permission de se promener dans les magnifiques allées. Quand les
écoliers se conduisaient bien, on les menait là pour les
récompenser de leur sagesse.
Tout contre le jardin, mais en dehors, au pied de la haie de
clôture, on trouvait un grand et vigoureux chardon; de sa racine
vivace poussait des branches de tous côtés, il formait à lui
seul comme un buisson. Personne n'y faisait pourtant la moindre
attention, hormis le vieil âne qui traînait la petite voiture
de la laitière. Souvent la laitière l'attachait non loin de
là, et la bête tendait tant qu'elle pouvait son long cou vers
le chardon, en disant: «Que tu es donc beau!... Tu es à
croquer!» Mais le licou était trop court, et l'âne en était
pour ses tendres coups d'oeil et pour ses compliments.
Un jour une nombreuse société est réunie au
château. Ce sont toutes personnes de qualité, la plupart
arrivant de la capitale. Il y a parmi elles beaucoup de jolies
jeunes filles. L'une d'elles, la plus jolie de toutes, vient de
loin. Originaire d'Ecosse, elle est d'une haute naissance et
possède de vastes domaines, de grandes richesses. C'est un riche
parti: «Quel bonheur de l'avoir pour fiancée!» disent les
jeunes gens, et leurs mères disent de même.
Cette jeunesse s'ébat sur les pelouses, joue au ballon et à
divers jeux. Puis on se promène au milieu des parterres, et,
comme c'est l'usage dans le Nord, chacune des jeunes filles
cueille une fleur et l'attache à la boutonnière d'un des jeunes
messieurs. L'étrangère met longtemps à choisir sa fleur;
aucune ne paraît être à son goût. Voilà que ses regards
tombent sur la haie, derrière laquelle s'élève le buisson de
chardons avec ses grosses fleurs rouges et bleues.
Elle sourit et prie le fils de la maison d'aller lui en cueillir
une: «C'est la fleur de mon pays, dit-elle, elle figure dans les
armes d'Ecosse; donnez-la-moi, je vous prie.»
Le jeune homme s'empresse d'aller cueillir la plus belle, ce
qu'il ne fit pas sans se piquer fortement aux épines. La jeune
Ecossaise lui met à la boutonnière cette fleur vulgaire, et il
s'en trouve singulièrement flatté. Tous les autres jeunes gens
auraient volontiers échangé leurs fleurs rares contre celle
offerte par la main de l'étrangère. Si le fils de la maison se
rengorgeait, qu'était-ce donc du chardon? Il ne se sentait plus
d'aise; il éprouvait une satisfaction, un bien-être, comme
lorsque après une bonne rosée, les rayons du soleil venaient le
réchauffer.
« Je suis donc quelque chose de bien plus relevé que je n'en ai
l'air, pensait-il en lui-même. Je m'en étais toujours douté. A
bien dire, je devrais être en dedans de la haie et non pas au
dehors. Mais, en ce monde, on ne se trouve pas toujours placé à
sa vraie place. Voici du moins une de mes filles qui a franchi la
haie et qui même se pavane à la boutonnière d'un beau
cavalier. »
Il raconta cet événement à toutes les pousses qui se
développèrent sur son tronc fertile, à tous les boutons qui
surgirent sur ses branches. Peu de jours s'étaient écoulés
lorsqu'il apprit, non par les paroles des passants, non par les
gazouillements des oiseaux, mais par ces mille échos qui
lorsqu'on laisse les fenêtres ouvertes, répandent partout ce
qui se dit dans l'intérieur des appartements, il apprit,
disons-nous, que le jeune homme qui avait été décoré de la
fleur de chardon par la belle Ecossaise avait aussi obtenu son
coeur et sa main.
« C'est moi qui les ai unis, c'est moi qui ai fait ce mariage !
» s'écria le chardon, et plus que jamais , il raconta le
mémorable événement à toutes les fleurs nouvelles dont ses
branches se couvraient.
« Certainement, se dit-il encore, on va me transplanter dans le
jardin, je l'ai bien mérité. Peut-être même serai-je mis
précieusement dans un pot où mes racines seront bien serrées
dans du bon fumier. Il paraît que c'est là le plus grand
honneur que les plantes puissent recevoir.
Le lendemain, il était tellement persuadé que les marques de
distinction allaient pleuvoir sur lui, qu'à la moindre de ses
fleurs, il promettait que bientôt on les mettrait tous dans un
pot de faïence, et que pour elle, elle ornerait peut-être la
boutonnière d'un élégant, ce qui était la plus rare fortune
qu'une fleur de chardon pût rêver.
Ces hautes espérances ne se réalisèrent nullement; point de
pot de faïence ni de terre cuite; aucune boutonnière ne se
fleurit plus aux dépens du buisson. Les fleurs continuèrent de
respirer l'air et la lumière, de boire les rayons du soleil le
jour, et la rosée la nuit; elles s'épanouirent et ne reçurent
que la visite des abeilles et des frelons qui leur dérobaient
leur suc.
« Voleurs, brigands ! s'écriait le chardon indigné, que ne
puis-je vous transpercer de mes dards! Comment osez-vous ravir
leur parfum à ces fleurs qui sont destinées à orner la
boutonnière des galants! »
Quoi qu'il pût dire, il n'y avait pas de changement dans sa
situation. Les fleurs finissaient par laisser pencher leurs
petites têtes. Elles pâlissaient, se fanaient; mais il en
poussait toujours de nouvelles: à chacune qui naissait, le père
disait avec une inaltérable confiance: «Tu viens comme marée
en carême, impossible d'éclore plus à propos. J'attends à
chaque minute le moment où nous passerons de l'autre côté de
la haie. »
Quelques marguerites innocentes, un long et maigre plantin qui
poussaient dans le voisinage, entendaient ces discours, et y
croyaient naïvement. Ils en conçurent une profonde admiration
pour le chardon, qui, en retour, les considérait avec le plus
complet mépris.
Le vieil âne, quelque peu sceptique par nature, n'était pas
aussi sûr de ce que proclamait avec tant d'assurance le chardon.
Toutefois, pour parer à toute éventualité, il fit de nouveaux
efforts pour attraper ce cher chardon avant qu'il fût
transporté en des lieux inaccessibles. En vain il tira sur son
licou; celui-ci était trop court et il ne put le rompre.
A force de songer au glorieux chardon qui figure dans les armes
d'Ecosse, notre chardon se persuada que c'était un de ses
ancêtres; qu'il descendait de cette illustre famille et était
issu de quelque rejeton venu d'Ecosse en des temps reculés.
C'étaient là des pensées élevées, mais les grandes idées
allaient bien au grand chardon qu'il était, et qui formait un
buisson à lui tout seul.
Sa voisine, l'ortie, l'approuvait fort... « Très souvent,
dit-elle, on est de haute naissance sans le savoir; cela se voit
tous les jours. Tenez, moi-même, je suis sûre de n'être pas
une plante vulgaire. N'est-ce pas moi qui fournis la plus fine
mousseline, celle dont s'habillent les reines ? »
L'été se passe, et ensuite l'automne. Les feuilles des arbres
tombent. Les fleurs prennent des teintes plus foncées et ont
moins de parfum. Le garçon jardinier, en recueillant les tiges
séchées, chante à tue-tête:
Amont, aval ! En haut, en bas !
C'est là tout le cours de la vie !
Les jeunes sapins du bois recommencent à penser à
Noël, à ce beau jour où on les décore de rubans, de bonbons
et de petites bougies. Ils aspirent à ce brillant destin,
quoiqu'il doive leur en coûter la vie.
« Comment, je suis encore ici ! dit le chardon, et voilà huit
jours que les noces ont été célébrées! C'est moi pourtant
qui ai fait ce mariage, et personne n'a l'air de penser à moi,
pas plus que si je n'existais point. On me laisse pour reverdir.
Je suis trop fier pour faire un pas vers ces ingrats, et d'ailleurs,
le voudrais-je, je ne puis bouger. Je n'ai rien de mieux à faire
qu'à patienter encore. »
Quelques semaines se passèrent. Le chardon restait là, avec son
unique et dernière fleur; elle était grosse et pleine, on eût
presque dit une fleur d'artichaut; elle avait poussé près de la
racine, c'était une fleur robuste. Le vent froid souffla sur
elle; ses vives couleurs disparurent; elle devint comme un soleil
argenté.
Un jour le jeune couple, maintenant mari et femme, vint se
promener dans le jardin. Ils arrivèrent près de la haie, et la
belle Ecossaise regarda par delà dans les champs: «Tiens!
dit-elle, voilà encore le grand chardon, mais il n'a plus de
fleurs!
- Mais si, en voilà encore une, ou du moins son spectre, dit le
jeune homme en montrant le calice desséché et blanchi.
- Tiens, elle est fort jolie comme cela ! reprit la jeune dame.
Il nous la faut prendre, pour qu'on la reproduise sur le cadre de
notre portrait à tous deux.»
Le jeune homme dut franchir de nouveau la haie et cueillir la
fleur fanée. Elle le piqua de la bonne façon: ne l'avait-il pas
appelée un spectre? Mais il ne lui en voulut pas: sa jeune femme
était contente. Elle rapporta la fleur dans le salon. Il s'y
trouvait un tableau représentant les jeunes époux: le mari
était peint une fleur de chardon à sa boutonnière. On parla
beaucoup de cette fleur et de l'autre, la dernière, qui brillait
comme de l'argent et qu'on devait ciseler sur le cadre.
L'air emporta au loin tout ce qu'on dit.
« Ce que c'est que la vie, dit le chardon: ma fille aînée a
trouvé place à une boutonnière, et mon dernier rejeton a été
mis sur un cadre doré. Et moi, où me mettra-t-on?»
L'âne était attaché non loin: il louchait vers le chardon: «
Si tu veux être bien, tout à fait bien, à l'abri de la
froidure, viens dans mon estomac, mon bijou. Approche; je ne puis
arriver jusqu'à toi, ce maudit licou n'est pas assez long. »
Le chardon ne répondit pas à ces avances grossières. Il devint
de plus en plus songeur, et, à force de tourner et retourner ses
pensées, il aboutit, vers Noël, à cette conclusion qui était
bien au-dessus de sa basse condition: «Pourvu que mes enfants se
trouvent bien là où ils sont, se dit-il; moi, leur père, je me
résignerai à rester en dehors de la haie, à cette place où je
suis né.
- Ce que vous pensez là vous fait honneur, dit le dernier rayon
de soleil. Aussi vous en serez récompensé.
- Me mettra-t-on dans un pot ou sur un cadre ? demanda le
chardon.
- On vous mettra dans un conte », eut le temps de répondre le
rayon avant de s'éclipser.
A une petite lieue de la capitale se trouvait un
château; ses murailles étaient épaisses; ses tours avaient des
créneaux et des toits pointus. C'était un ancien et superbe
château.
Là résidait, mais pendant l'été seulement, une noble et riche
famille. De tous les domaines qu'elle possédait, ce château
était la perle et le joyau. On l'avait récemment restauré
extérieurement, orné et décoré si bien qu'il brillait d'une
nouvelle jeunesse. A l'intérieur régnait le confortable joint
à l'agréable; rien n'y laissait à désirer. Au-dessus de la
grande porte était sculpté le blason de la famille. De
magnifiques guirlandes de roses ciselées dans la pierre
entouraient les animaux fantastiques des armoiries.
Devant le château s'étendait une vaste pelouse. On y voyait,
s'élançant au milieu du vert gazon, des bouquets d'aubépine
rouge, d'épine blanche, des parterres de fleurs rares, sans
parler des merveilles que renfermait une grande serre bien
entretenue.
La noble famille possédait un fameux jardinier; aussi était-ce
un plaisir de parcourir le jardin aux fleurs, le verger, le
potager. Au bout de ce dernier, il existait encore un reste du
jardin des anciens temps. C'étaient des buissons de buis et
d'ifs, taillés en forme de pyramides et de couronnes. Derrière,
s'élevaient deux vieux arbres énormes; ils étaient si vieux
qu'il n'y poussait presque plus de feuilles. On aurait pu
s'imaginer quun ouragan ou une trombe les avaient couverts
de tas de boue et de fumier, mais c'étaient des nids d'oiseaux
qui occupaient presque toutes les branches.
Là nichait, de temps immémorial, toute une bande de corneilles
et de choucas. Cela formait comme une cité. Ces oiseaux avaient
élu domicile en ce lieu avant tout le monde; ils pouvaient s'en
prétendre les véritables seigneurs; et de fait ils avaient
l'air de mépriser fort les humains qui étaient venus usurper
leur domaine. Toutefois, quand ces êtres d'espèce inférieure,
incapables de s'élever de dessus terre, tiraient quelque coup de
fusil dans le voisinage, corneilles et choucas se sentaient froid
dans le dos et s'enfuyaient à tire-d'aile en criant: rak, rak.
Le jardinier parlait souvent à ses maîtres de ces vieux arbres,
prétendant qu'ils gâtaient la perspective, conseillant de les
abattre; on aurait, en outre, l'avantage d'être ainsi
débarrassé de ces oiseaux aux cris discordants, qui seraient
forcés d'aller nicher ailleurs. Les maîtres n'entendaient
nullement de cette oreille-là. Ils ne voulaient pas que les
arbres ni les corneilles disparussent. « C'est, disaient-ils, un
vestige de la vénérable antiquité qu'il ne faut pas détruire.
Voyez-vous, cher Larsen, ajoutaient-ils, ces arbres sont
l'héritage de ces oiseaux, nous aurions tort de le leur enlever.
»
Larsen, comme vous le saisissez parfaitement, était le nom du
jardinier. « N'avez-vous donc pas assez d'espace, continuaient
les maîtres, pour déployer vos talents? vous avez un grand
jardin aux fleurs, une vaste serre, un immense potager. Que
feriez-vous de plus d'espace?»
En effet, ce n'était pas le terrain qui lui manquait. Il le
cultivait, du reste, avec autant d'habileté que de zèle. Les
maîtres le reconnaissaient volontiers. Ils ne lui cachaient pas
cependant qu'ils avaient parfois vu et goûté, chez d'autres,
des fleurs et des fruits qui surpassaient ceux qu'ils trouvaient
dans leur jardin. Le brave homme se chagrinait de cette remarque,
car il faisait de son mieux, il ne pensait qu'à satisfaire ses
maîtres, et il connaissait à fond son métier.
Un jour ils le mandèrent au salon et lui dirent, avec toute la
douceur et la bienveillance possible, que la veille, dînant au
château voisin, ils avaient mangé des pommes et des poires si
parfumées, si savoureuses, si exquises, que tous les convives en
avaient exprimé leur admiration. « Ces fruits, poursuivirent
les maîtres, ne sont probablement pas des produits de ce
pays-ci; ils viennent certainement de l'étranger. Mais il
faudrait tâcher de se procurer l'espèce d'arbre qui les porte
et l'acclimater. Ils avaient été achetés, à ce qu'on nous a
dit, chez le premier fruitier de la ville. Montez à cheval,
allez le trouver pour savoir d'où il a tiré ces fruits. Nous
ferons venir des greffes de cette sorte d'arbre, et votre
habileté fera le reste. »
Le jardinier connaissait parfaitement le fruitier ; c'était
précisément à lui qu'il vendait le superflu des fruits de son
verger.
Il partit à cheval pour la ville et demanda au fruitier d'où
provenaient ces poires et ces pommes délicieuses quon
avait mangées au château de X...
« Elles venaient de votre propre jardin », répondit le
fruitier ; et il lui montra les pommes et les poires pareilles,
que le jardinier reconnut aussitôt pour les siennes. Combien il
en fut réjoui, vous pouvez aisément le deviner. Il accourut au
plus vite et raconta à ses maîtres que ces fameuses pommes et
ces poires délicieuses étaient les fruits des arbres de leur
jardin. Les maîtres se refusaient à le croire: «Ce n'est pas
possible, mon bon Larsen. Tenez, je gage que le fruitier se
garderait bien de vous l'attester par écrit. »
Le lendemain, Larsen apporta l'attestation signée du
fruitier : «C'est tout ce qu'il y a de plus extraordinaire! »
dirent les maîtres.
De ce moment, tous les jours on plaça sur la table de pleines
corbeilles de ces pommes et de ces poires. On en expédia aux
amis de la ville et de la campagne, même aux amis des pays
étrangers. Ces présents faisaient plaisir à tout le monde, à
ceux qui les recevaient et à ceux qui les donnaient. Mais pour
que l'orgueil du jardinier n'en fût point trop exalté, on eut
soin de lui faire remarquer combien l'été avait été favorable
aux fruits, qui avaient partout réussi à merveille.
Quelque temps se passa. La noble famille fut invitée à dîner
à la cour. Le lendemain, le jardinier fut de nouveau appelé au
salon. On lui dit que des melons d'un parfum et d'un goût
merveilleux avaient été servis sur la table du roi.
« Ils viennent des serres de Sa Majesté. Il faudrait, cher
Larsen, obtenir du jardinier du roi quelques pépins de ces
fruits incomparables.
- Mais c'est de moi-même que le jardinier tient la graine de ces
melons ! dit joyeusement le jardinier.
- Il faut donc, répartit le seigneur, que cet homme ait su les
perfectionner singulièrement par sa culture, car je n'en ai
jamais mangé de si savoureux. L'eau m'en vient à la bouche en y
songeant.
- Hé bien, dit le jardinier, voilà de quoi me rendre fier. Il
faut donc que Votre Seigneurie sache que le jardinier du roi n'a
pas été heureux cette année avec ses melons. Ces jours
derniers il est venu me voir; il a vu combien les miens avaient
bonne mine, et après en avoir goûté, il m'a prié de lui en
envoyer trois pour la table de Sa Majesté.
- Non, non, mon brave Larsen, ne vous imaginez pas que ces divins
fruits que nous avons mangés hier proviennent de votre jardin.
- J'en suis parfaitement certain, répondit Larsen, et je vous en
fournirai la preuve.»
Il alla trouver le jardinier du roi et se fit donner par lui un
certificat d'où il résultait que les melons qui avaient figuré
au dîner de la cour avaient bien réellement poussé dans les
serres de ses maîtres.
Les maîtres ne pouvaient revenir de leur surprise. Ils ne firent
pas un mystère de l'événement. Bien loin de là, ils
montrèrent ce papier à qui le voulut voir.
Ce fut à qui leur demanderait alors des pépins de leurs melons
et des greffes de leurs arbres fruitiers. Les greffes réussirent
de tous côtés. Les fruits qui en naquirent reçurent partout le
nom des propriétaires du château, de sorte que ce nom se
répandit en Angleterre, en Allemagne et en France.
Qui se serait attendu à rien de pareil ?
« Pourvu que notre jardinier n'aille pas concevoir une trop
haute opinion de lui-même ! » se disaient les maîtres.
Leur appréhension était mal fondée. Au lieu de s'enorgueillir
et de se reposer sur sa renommée, Larsen n'en eut que plus
d'activité et de zèle. Chaque année il s'attacha à produire
quelque nouveau chef-d'oeuvre. Il y réussit presque toujours.
Mais il ne lui en fallut pas moins entendre souvent dire que les
pommes et les poires de la fameuse année étaient les meilleurs
fruits qu'il eût obtenus. Les melons continuaient sans doute à
bien venir, mais ils n'avaient plus tout à fait le même parfum.
Les fraises étaient excellentes , il est vrai, mais pas
meilleures que celles du comte Z. Et lorsqu'une année les petits
radis manquèrent, il ne fut plus question que de ces
détestables petits radis. Des autres légumes, qui étaient
parfaits, pas un mot.
On aurait dit que les maîtres éprouvaient un véritable
soulagement à pouvoir s'écrier : «Quels atroces petits radis!
Vraiment, cette année est bien mauvaise: rien ne vient bien
cette année! »
Deux ou trois fois par semaine, le jardinier apportait des fleurs
pour orner le salon. Il avait un art particulier pour faire les
bouquets; il disposait les couleurs de telle sorte qu'elles se
faisaient valoir l'une l'autre et il obtenait ainsi des effets
ravissants.
« Vous avez bon goût, cher Larsen, disaient les maîtres.
Vraiment oui. Mais n'oubliez pas que c'est un don de Dieu. On le
reçoit en naissant; par soi-même on n'en a aucun mérite.»
Un jour le jardinier arriva au salon avec un grand vase où parmi
des feuilles d'iris s'étalait une grande fleur d'un bleu
éclatant.
« C'est superbe ! s'écria Sa Seigneurie enchantée : on dirait
le fameux lotus indien ! »
Pendant la journée, les maîtres la plaçaient au soleil où
elle resplendissait; le soir on dirigeait sur elle la lumière au
moyen d'un réflecteur. On la montrait à tout le monde; tout le
monde l'admirait. On déclarait qu'on n'avait jamais vu une fleur
pareille, qu'elle devait être des plus rares. Ce fut l'avis
notamment de la plus noble jeune fille du pays, qui vint en
visite au château: elle était princesse, fille du roi; elle
avait, en outre, de l'esprit et du coeur, mais, dans sa position,
ce n'est là qu'un détail oiseux.
Les seigneurs tinrent à honneur de lui offrir la magnifique
fleur, ils la lui envoyèrent au palais royal. Puis il allèrent
au jardin en chercher une autre pour le salon. Ils le
parcoururent vainement jusque dans les moindres recoins; ils n'en
trouvèrent aucune autre, non plus que dans la serre.
Ils appelèrent le jardinier et lui demandèrent où il avait
pris la fleur bleue: « Si vous n'en avez pas trouvé, dit
Larsen, c'est que vous n'avez pas cherché dans le potager. Ah!
ce n'est pas une fleur à grande prétention, mais elle est belle
tout de même: c'est tout simplement une fleur d'artichaut!
- Grand Dieu ! Une fleur d'artichaut ! s'écrièrent Leurs
Seigneuries. Mais, malheureux, vous auriez dû nous dire cela
tout d'abord. Que va penser la princesse? Que nous nous sommes
moqués d'elle. Nous voilà compromis à la cour. La princesse a
vu la fleur dans notre salon, elle l'a prise pour une fleur rare
et exotique; elle est pourtant instruite en botanique , mais la
science ne s'occupe pas des légumes. Quelle idée avez-vous eue,
Larsen, d'introduire dans nos appartements une fleur de rien!
Vous nous avez rendus impertinents ou ridicules. »
On se garda bien de remettre au salon une de ces fleurs
potagères. Les maîtres se firent à la hâte excuser auprès de
la princesse, rejetant la faute sur leur jardinier qui avait eu
cette bizarre fantaisie, et qui avait reçu une verte
remontrance.
« C'est un tort et une injustice, dit la princesse. Comment ! il
a attiré nos regards sur une magnifique fleur que nous ne
savions pas apprécier; il nous a fait découvrir la beauté où
nous ne nous avisions pas de la chercher; et on l'en blâmerait!
Tous les jours, aussi longtemps que les artichauts seront
fleuris, je le prie de m'apporter au palais une de ces fleurs.»
Ainsi fut-il fait. Les maîtres de Larsen s'empressèrent, de
leur côté, de réinstaller la fleur bleue dans leur salon, et
de la mettre bien en évidence, comme la première fois.
« Oui, elle est magnifique, dirent-ils; on ne peut le nier.
C'est curieux, une fleur d'artichaut ! » Le jardinier fut
complimenté.
« Oh ! les compliments, les éloges, voilà ce qu'il aime !
disaient les maîtres; il est comme un enfant gâté.»
Un jour d'automne s'éleva une tempête épouvantable; elle ne
fit qu'aller en augmentant toute la nuit. Sur la lisière du
bois, une rangée de grands arbres furent arrachés avec leurs
racines. Les deux arbres couverts de nids d'oiseaux furent aussi
renversés. On entendit jusqu'au matin les cris perçants, les
piaillements aigus des corneilles effarées, dont les ailes
venaient frapper les fenêtres.
«Vous voilà satisfait, Larsen, dirent les maîtres, voilà ces
pauvres vieux arbres par terre. Maintenant il ne reste plus ici
de trace des anciens temps, tout est détruit, comme vous le
désiriez. Ma foi , cela nous a fait de la peine.»
Le jardinier ne répondit rien : il réfléchit aussitôt à ce
qu'il ferait de ce nouvel emplacement, bien situé au soleil. En
tombant, les deux arbres avaient abîmé les buis taillés en
pyramides, ils furent enlevés. Larsen les remplaça par des
arbustes et des plantes pris dans les bois et dans les champs de
la contrée. Jamais jardinier n'avait encore eu cette idée. Il
réunit là le génévrier de la bruyère du Jutland, qui
ressemble tant au cyprès d'Italie, le houx toujours vert, les
plus belles fougères semblables aux palmiers, de grands
bouillons blancs qu'on prendrait pour des candélabres d'église.
Le sol était couvert de jolies fleurs des prés et des bois.
Cela formait un charmant coup d'oeil. A la place des vieux arbres
fut planté un grand mât au haut duquel flottait l'étendard du
Danebrog, et tout autour se dressaient des perches où, en été,
grimpait le houblon. En hiver, à Noël, selon un antique usage,
une gerbe d'avoine fut suspendue à une perche, pour que les
oiseaux prissent part à la fête: «Il devient sentimental sur
ses vieux jours, ce bon Larsen, disaient les maîtres; mais ce
n'en est pas moins un serviteur fidèle et dévoué.»
Vers le nouvel an, une des feuilles illustrées de la capitale
publia une gravure du vieux château. On y voyait le mât avec le
Danebrog, et la gerbe d'avoine au bout d'une perche. Et dans le
texte, on faisait ressortir ce qu'avait de touchant cette
ancienne coutume de faire participer les oiseaux du bon Dieu à
la joie générale des fêtes de Noël: on félicitait ceux qui
l'avaient remise en pratique.
« Vraiment, tout ce que fait ce Larsen, on le tambourine
aussitôt, dirent les maîtres. Il a de la chance. Nous devons
presque être fiers qu'il veuille bien rester à notre service.»
Ce n'était là qu'une façon de parler. Ils n'en étaient pas
fiers du tout, et n'oubliaient pas qu'ils étaient les maîtres
et qu'ils pouvaient, s'il leur plaisait, renvoyer leur jardinier,
ce qui eût été sa mort, tant il aimait son jardin. Aussi ne le
firent-ils pas. C'étaient de bons maîtres. Mais ce genre de
bonté n'est pas fort rare et c'est heureux pour les gens comme
Larsen.